Jeux vidéo. Yann Moix, tu sais ce qu’il te dit le demeuré ?

L’écrivain Yann Moix a violemment critiqué les jeux vidéo sur C8, suscitant l’indignation des joueurs, des experts du secteur… et la mienne.

L’écrivain et chroniqueur Yann Moix a déclenché une vive polémique le jeudi 13 février 2025 sur C8. Il a tenu des propos très critiques envers les jeux vidéo et leurs joueurs. Qualifiant cette pratique de “drogue” comparable à la cocaïne, il a affirmé qu’elle était “abrutissante et débilitante”, et qu’elle participait au “mal-être des enfants”.
Il a également expliqué qu’un adulte de plus de 25 ans jouant aux jeux vidéo était un “demeuré” et qu’il n’avait “aucun respect” pour eux.
Plusieurs personnalités ont ainsi dénoncé une vision caricaturale et dépassée du jeu vidéo.

Qu’a dit Yann Moix ?

Yann Moix adopte un discours particulièrement virulent à l’encontre des jeux vidéo et de leurs joueurs, en associant cette pratique à une drogue et en affirmant qu’elle serait responsable du mal-être des enfants.

Pire selon moi : ses propos s’appuient sur une anecdote personnelle, une discussion avec un père ayant interdit les écrans à ses deux enfants. Il transforme aussitôt cette anecdote en une généralité, censée prouver un lien direct entre l’absence d’écrans et la vivacité d’esprit… Il serait alors très étonné de voir mon fils !

Son raisonnement repose sur une opposition bien trop simpliste :
– d’un côté, des enfants sans écrans, supposément “ouverts” et “vifs”
– de l’autre, des joueurs décrits comme des individus “abrutis”, “débilitants” et “demeurés”.

En martelant son “aucun respect” et en allant jusqu’à insulter directement les adultes qui jouent, Yann Moix ferme le débat. Il impose son point de vue et il est convaincu d’avoir raison… et peu importe les arguments puisque celles et ceux qui viendront se défendre sont des demeurés. La façon dont il associe les jeux vidéo aux “singes, bananes et serial killers” est la preuve ultime d’une méconnaissance totale du jeu vidéo. Il balaie d’un revers de main toute la diversité des œuvres vidéoludiques, réduisant l’ensemble à des caricatures sans nuance.

Selon Yann Moix, il aurait donc un lien direct entre l'absence d’écrans et la vivacité d’esprit
Selon Yann Moix, il aurait donc un lien direct entre l’absence d’écrans et la vivacité d’esprit

Des réactions vives et immédiates

Les propos de Yann Moix n’ont pas tardé à faire réagir.

Sur X (ex-Twitter), le journaliste Samuel Étienne a dénoncé le mépris du chroniqueur pour les joueurs, estimant qu’il ignorait “la richesse de l’univers du jeu vidéo”.

Marc Lacombe plus connu sous le nom de Marcus n’a pas manqué de rappeler sur X/Twitter que Yann Moix « aurait mieux fait de jouer aux jeux vidéo dans sa jeunesse (plutôt que de faire des petits dessins antisémites) pour évacuer ses frustrations… » 
D’autres personnalités, y compris des créateurs de contenu et des experts du secteur, ont rappelé que le jeu vidéo est aujourd’hui l’industrie culturelle la plus influente au monde. De nombreux internautes ont également exprimé leur indignation, soulignant l’incohérence d’un écrivain qui défend d’un côté la liberté d’expression et de création, tout en méprisant un art reconnue internationalement.

Ma prise de position

J’ai pris position sur Twitter/X et Bluesky avec un message clair :

« Tu n’as aucun respect pour les demeurés alors laisse-moi te dire droit dans les yeux, cher confrère, que tu es une sombre merde, à bien des égards. Je n’ai aucune leçon à recevoir d’un mec qui est antisémite, sous-catégorie de salauds en qui je n’éprouve aucun respect. »

Pourquoi cette réaction ? Parce que Yann Moix se permet de mépriser les joueurs de jeux vidéo. Or, quand on traîne soi-même quelques casseroles, la posture du donneur de leçons est pour le moins… discutable.

En 2019, il avait dû reconnaître avoir écrit, dans sa jeunesse, des textes et dessins antisémites publiés dans une revue d’extrême droite. Malgré ses excuses et ses explications, l’affaire avait bien terni son image. Alors, peut-on se poser en arbitre du respect et de l’intelligence quand on a soi-même signé des textes haineux ?

Une vision dépassée du jeu vidéo

Les critiques sur les jeux vidéo ne datent pas d’hier. Régulièrement, certains accusent cette industrie d’être responsable d’une montée de la violence, d’une baisse de l’attention ou encore d’un repli social chez les jeunes. Sauf que ces affirmations reposent sur du flan. Les études scientifiques sérieuses montrent au contraire que le jeu vidéo peut avoir des effets positifs : amélioration des capacités cognitives, gestion du stress, stimulation de la créativité…

Autre idée reçue : croire que les jeux vidéo sont un loisir exclusivement réservé aux enfants. En réalité, l’âge moyen des joueurs en France est de 39 ans, selon le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL). Près d’un Français sur deux joue régulièrement, et toutes les tranches d’âge sont concernées.

Des cadres, des chercheurs, des artistes jouent aux jeux vidéo comme d’autres lisent un livre ou regardent un film. Mais visiblement, certains préfèrent rester coincés dans les clichés d’un autre temps.

J’ai passé des heures et des heures sur Metal Gear Solid 2 sur PlayStation 2

Un support aux usages multiples

Si certains jeux misent avant tout sur l’action et la compétition, le jeu vidéo est aujourd’hui un médium aux multiples facettes. Des œuvres comme The Last of Us la saga Metal Gear Solid ou encore Red Dead Redemption sont saluées par les critiques pour leur profondeur narrative et leur dimension artistique.

Les serious games sont également utilisés dans des domaines aussi variés que l’éducation, la médecine et la formation professionnelle.
Les compétitions d’e-sport rassemblent des millions de spectateurs à travers le monde. Ces évènements génèrent un chiffre d’affaires en constante progression
Enfin, certaines études montrent que les jeux vidéo peuvent avoir un rôle thérapeutique, notamment dans la gestion de l’anxiété et du stress post-traumatique.

J’en ai marre…

J’en ai marre que le jeu vidéo soit systématiquement utilisé comme bouc émissaire lorsque qu’un crime ou une violence fait la Une de l’actualité. Si l’auteur des faits joue aux jeux vidéo, et c’est encore plus vrai quand c’est un homme, on s’empresse de sortir cet argument comme une explication justifiant et expliquant de tels actes. Comme si aimer jouer faisait automatiquement de tous les joueurs, une “bombe à retardement”.
C’est toujours la même rengaine : plutôt que de s’interroger sur des causes de fond (l’environnement social, l’éducation, les failles du ou des systèmes), on préfère pointer du doigt un loisir, comme si c’était la source du problème. Mais la réalité, c’est que le mal est bien plus profond que ça. Et accuser le jeu vidéo, c’est juste un moyen d’éviter d’y faire face.